RÉCITS FANTASTIQUES GRATUITS

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Le patron nous regardait d’un œil soupçonneux, moi, mon T-shirt en vrac et mes chaussons informes, alors j’ai tiré d’une des poches de mon jeans le peu de monnaie que j’avais et j’ai commandé le premier truc qui m’est venu à l’esprit, un Cacolac.

Ça tournait dans tous les sens dans ma tête, mais je me suis forcé à réfléchir.

Quelque chose avait dérapé, sérieusement dérapé. J’étais banni de ma propre famille, de mon propre domicile, mais pour quelle raison ?

Et si ma famille n’était pas ma famille ?

Peut-être avais-je eu affaire, comme dans l’une des nouvelles de H.G. Wells, à des Doppelgangers, ces esprits parfois mal intentionnés copies conformes de personnes encore vivantes ?

Et s’il s’agissait en fait de changelins, ces elfes qui prennent l’apparence de personnes disparues, comme ce que raconte Arthur Spiderwick dans son Grand guide ?

Ou plutôt, oui, plutôt, d’entités extraterrestres imitant leur proie humaine après l’avoir digérée, à la façon du roman l’Invasion des profanateurs de sépultures, qui m’avait tenu éveillé la nuit précédente ?

Ou d’androïdes humanoïdes, répliques exactes de chacun des membres de ma famille ? Pourquoi pas finalement ? Hein ?

Non, non, tout cela ne tenait pas debout.

Bien sûr, il y avait toujours une autre possibilité, la plus rationnelle peut-être, à savoir que c’était moi qui avais fondu un fusible.

Mais je ne croyais pas à cette hypothèse. Bien au contraire : je la refusais de toutes mes forces.

Bon, d’accord, lors de la première confrontation, celle avec ma mère, l’idée m’avait effleuré l’esprit. Et si elle avait raison ? Si c’était moi qui nageais en plein délire et m’étais inventé une famille ?

Mais les réactions suivantes avaient été différentes : mon père me prenait pour un criminel, ma sœur pour un revenant…

Il fallait donc, je m’efforçais de m’en convaincre, qu’il y ait dans ce mystère quelque chose de plus concret, de plus objectif.

Je songeais un instant à ces récits fantastiques de Maupassant que j’avais dévorés d’une seule traite un soir d’Halloween chez une copine, tandis que les autres se trémoussaient sur Thriller et Ghostbusters. Dans ces histoires un peu tordues, on ne savait jamais si le personnage principal était fou ou non.

Mais moi, je le savais bien, je n’étais pas fou.

Non, pas fou…

J’ai secoué la tête vigoureusement, comme pour me débarrasser de ce doute perturbant qui s’accrochait : peine perdue.

J’ai soudain réalisé que la meilleure des choses à faire, c’était d’expédier un SOS. Mon choix a été immédiat : ce serait Boule, mon pote de toujours, mon frangin pour la vie.

J’ai dégagé mon portable de la poche arrière de mon jeans et je lui ai demandé par texto si je pouvais passer. J’ai sélectionné son numéro, avec peine car mes mains tremblaient, j’ai envoyé le SMS et j’ai attendu.

Ce furent, ce soir-là, les cinq minutes les plus longues de mon existence.

Car – je vous pose la question, les p’tits gars – que se serait-il passé si j’avais reçu pour toute réponse :

t ki ?

Hein ? Que se serait-il passé ?

La mélodie de réception a retenti, j’ai sursauté et agrippé le portable et, le cœur en cavale, j’ai pressé comme un fou furieux sur la touche OK. A mon grand soulagement, le message disait :

tu pass kan tu veux

Enfin quelqu’un qui me reconnaissait et sur qui je pouvais compter ! J’ai abandonné mon Cacolac sur la table (je n’y avais pas touché) et je suis sorti en trombe. Dix minutes plus tard, je sonnais à la porte de mon pote Boule.

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Tous droits réservés
(C) 2015-16 Jérémie Cassiopée

Illustration: Marzena Pereida Piwowar

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