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Je me suis approché. La cabine avait l’air bien ordinaire, conçue pour passer parfaitement inaperçue. Pourtant, une sensation désagréable de picotement m’a parcouru l’échine et, en effleurant la paroi, je n’ai pu réprimer un frisson.

J’ai tiré le rideau et j’ai pénétré à l’intérieur.

Là aussi tout semblait anodin : le tabouret ajustable, l’objectif de l’appareil derrière la vitre, les orifices pour glisser la monnaie ou la carte bancaire… Même les austères consignes de posture (tenez-vous droit, regardez devant vous etc.) semblaient d’une banalité rassurante.

Un Photomaton des plus inoffensifs, somme toute. Se pouvait-il que je fasse complètement fausse route ?

Non, un instant, quelque chose n’allait pas.

Je me suis approché de la notice. En dessous des consignes imprimées en gros caractères, là où normalement on s’attend à voir écrit en petites lettres un avertissement du type : Le non-respect de ces recommandations pourra entraîner le refus des photos par les autorités compétentes, il y avait à la place quelque chose ressemblant à :

travaillezpendanthuitheuresdormezpendanthuitheuresamusezvouspendanthuitheures

J’ai senti une sueur glacée me couler le long du dos et la sensation de picotement m’a repris, plus intense cette fois. De toute évidence, ceux qui avaient construit cette machine infernale ne s’étaient pas donné la peine de parfaire l’illusion, prenant sans doute leurs victimes potentielles pour de parfaits imbéciles.

Dans la vitre en face de moi, je me suis vu blêmir, le visage déformé par une haine intense. J’ai repensé au traitement que Boule et ma famille m’avaient fait subir, et j’ai eu de la peine pour eux. Pauvres diables ! Ils avaient été manipulés comme des marionnettes. Pour quelles raisons ? Aucune idée. Tout ce que je savais, c’était qu’il fallait frapper vite, et fort. J’ai levé ma lourde clé de plombier et – tel un glaive de justicier – je l’ai abattue de toutes mes forces sur le panneau de Plexiglas, comptant sur la solidité de mes lunettes pour me protéger les yeux.

La vitre a volé en éclats, projetant dans la cabine une pluie de particules translucides. J’en avais partout, dans les cheveux et sur les vêtements, mais je n’y ai pas fait attention. Une pulsion sauvage m’habitait à présent, et j’ai continué de frapper, frapper, frapper, jusqu’à épuisement total.

Quand j’en ai eu terminé, l’intérieur du Photomaton était ravagé, totalement hors d’usage, comme après un attentat à la bombe, et j’avais très mal au bras.

J’ai attendu, hébété et haletant, qu’un agent de surveillance vienne me cueillir – j’avais dû faire un boucan du diable – mais personne n’est venu.

J’ai laissé tomber ma clé, j’ai ramassé le peu de forces qui me restait, et je me suis sauvé sans demander mon reste.

Dans la nuit qui a suivi, j’ai réussi un dormir un peu, à cheval sur ce même WC qui m’avait déjà accueilli plus tôt dans la soirée. Au petit matin, j’ai joué à cache-cache avec la dame des toilettes, et à l’ouverture des portes, j’ai pris la poudre d’escampette.

Je ne savais trop que faire. Bien sûr, j’avais renvoyé cette machine démoniaque en enfer, mais cela serait-il suffisant ? Est-ce que mes parents et ma sœur allaient retrouver la mémoire ou étais-je condamné à l’orphelinat ?

J’ai traîné un bon moment dans la zone piétonnière puis j’ai opté pour le choix le plus simple, le plus dangereux aussi : il fallait que je retourne chez moi et que je les confronte tous les trois.

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Tous droits réservés
(C) 2015-16 Jérémie Cassiopée

Illustration: Marzena Pereida Piwowar

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