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Un bruit de moto familier a attiré mon attention et j’ai failli pleurer de soulagement : c’était mon père qui rentrait du boulot. J’allais tout lui expliquer, il allait venir à mon secours, trouver une solution. J’ai couru à son avance en faisant de grands signes. La Harley Davidson a pilé net et le motard, un géant de deux mètres de haut, a enlevé son casque.

C’était bien le visage de mon père, en effet, mais ce n’était ni sa voix, ni son regard.

– Toi ! a-t-il craché.

Il me regardait comme si j’avais été Jack l'Éventreur.

– Toi… a-t-il répété.

Il a mis pied à terre, a extirpé une clef anglaise grosse comme son avant-bras de la mallette à l’arrière de la selle de cuir, et s’est avancé, menaçant.

– Comment oses-tu remettre les pieds ici…

Il a levé la clef comme on lève une matraque, prêt à me l’abattre sans regret sur la tête. J’ai laissé échapper La Guerre des mondes (que je tenais toujours en main) et je me suis sauvé sans demander mon reste pour ne m’arrêter, haletant, qu’en haut de la rue.

Derrière moi, mon père – qui, la veille encore, m’avait offert un MacDo/ciné mémorable à l’occasion de la sortie en salle en 3D de Abraham Lincoln : Chasseur de vampires – courait à ma rencontre, une expression de fauve sur le visage.

Il avait l’air beaucoup moins rigolo que les créatures aux dents pointues du film.

– Mais papa, regarde-moi : je suis ton fils ! lui ai-je crié.

Pour toute réponse, papa chéri m’a lancé la clef de toutes ses forces, avec la ferme intention d’atteindre le sommet de mon crâne. J’ai fait un écart, la clef a fini sa course – Boïng ! – contre le panneau stop du croisement.

J’ai repris la fuite, galopant à perdre haleine, tournant à droite dans l’avenue avant de plonger, sur la droite encore, dans la zone piétonnière de mon quartier, un labyrinthe de ruelles commerçantes et un gigantesque marché couvert. Mon père m’a poursuivi un bon moment – j’entendais le bruit de sa course derrière mon dos – mais j’étais plus agile, je me faufilais mieux, j’ai fini par le semer.

Je me suis assis un moment sur un banc, dans un square coincé entre le marché couvert et la Promenade des Cygnes, histoire de récupérer. L’enseigne du centre commercial projetait la lumière rougeâtre de ses néons sur les arbres et les allées du square. Pour un peu, si l’humeur avait été au rendez-vous, on se serait cru plongé dans l’une des nombreuses histoires sidérantes de Chroniques martiennes.

Chroniques martiennes… Encore un bouquin chipé dans la bibliothèque familiale, enfin, quand j’avais encore une famille.

Ce devait être dans une autre vie…

Je me suis levé, la tête vide, et j’ai marché à l’aveuglette.

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Tous droits réservés
(C) 2015-16 Jérémie Cassiopée

Illustration: Marzena Pereida Piwowar

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