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J’ai bien vu qu’elle ne plaisantait pas, et du coup, j’ai laissé glisser l’assiette grasse que je tenais encore. Elle s’est fracassée sur le sol en mille morceaux.

Car vous voyez, les p’tits gars, c’était bien la dernière des choses à laquelle je m’attendais, à laquelle n’importe qui aurait pu s’attendre.

Ma mère n’a fait aucun cas du désastre sur le carrelage. Elle s’est avancée vers moi, les bras chargés de sacs de courses, le sourcil soupçonneux.

– Tu es un copain de Julie, c’est ça ? Tu m’as l’air bien âgé. De toute façon, elle n’est pas encore de retour.

Elle s’est délestée de son chargement sur la table et a ajouté, d’un ton sans réplique :

– On ne t’a jamais appris à attendre dehors ? Prends tes affaires et sauve-toi.

Elle m’a poussé jusqu’à la porte, et avant de m’éjecter à l’extérieur, a jugé bon de m’avertir :

– Et ne recommence pas, hein ! Sinon, j’appelle ta mère.

Vlam ! La porte a claqué et je me suis retrouvé, la mine ahurie, La Guerre des mondes à la main et les chaussons aux pieds, flanqué à la porte de ma propre maison. Je suis resté un instant songeur puis j’ai décidé de presser la sonnette.

Ma mère a ouvert la porte en coup de vent.

– Qu’est-ce que tu veux encore ?

– Mais enfin maman, regarde-moi : je suis ton fils.

J’essayais de garder la voix assurée, mais, je dois l’avouer, j’avais un peu de mal.

Ma mère m’a regardé en effet, comme on regarde un fou furieux échappé de l’asile.

– Si j’avais un fils, je serais la première au courant.

Elle m’a saisi le bras et m’a traîné au pas de course jusqu’à la barrière d’entrée qui donnait sur la rue.

Je l’avais déjà vue empoigner quelqu’un comme cela une fois déjà ; c’était un petit morveux du quartier qui s’en était pris à Nestor au printemps précédent. Le gosse se tortillait comme un asticot en poussant des cris horribles.

À présent, je comprenais pourquoi.

Ma mère a relâché son étreinte de fer et m’a propulsé sans ménagement sur le trottoir. Puis, sans mot dire, elle a tourné les talons et a disparu dans cette maison qui n’était plus la mienne.

Vlam ! a claqué la porte pour la seconde fois.

Je suis resté à faire les cent pas sur le trottoir en me massant douloureusement le bras. Bien sûr, je n’osais pas franchir la barrière et revenir dans la cour, mais je restais bien en vue, les bras ballants, la mine – très certainement – atterrée et pitoyable, gardant au fond du cœur l’espoir vague que ma mère allait resurgir, le visage fendu d’un large sourire, et me crierait :

– Reviens, mon chéri. C’était pour rire.

Mais elle n’a pas resurgi, même si j’ai vu, deux ou trois fois, bouger les rideaux du salon.

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Tous droits réservés
(C) 2015-16 Jérémie Cassiopée

Illustration: Marzena Pereida Piwowar

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