RÉCITS FANTASTIQUES GRATUITS

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Nous étions samedi matin, et quand je me suis arrêté devant la porte, la maison était silencieuse. Tout le monde devait encore dormer.

Je suis entré avec mon double de clé, j’ai jeté un œil dans la cuisine et mon cœur a fait un sacré bond : sur la table de petit-déjeuner, soigneusement préparés par ma mère (comme tous les soirs selon une habitude bien ancrée), trônaient non trois plateaux comme je le craignais, mais quatre. Oui, les p’tits gars, quatre plateaux.

Je me suis frotté les yeux, n’osant trop y croire, mais il était bien là lui aussi, mon bol Le Seigneur des anneaux personnalisé à mon nom avec serviette, cuillère et mug assortis. J’ai failli hurler de joie. Mon expédition punitive avait donc porté ses fruits, tout rentrait maintenant dans l’ordre !

J’ai grimpé au premier étage et j’ai passé la tête dans chacune des deux chambres, celle de mes parents sur la droite, puis celle de ma sœur en face : tout le monde dormait effectivement, et du sommeil de l’innocent par-dessus le marché.

Une fatigue énorme soudain m’a saisi – la chute de la tension nerveuse probablement – et plutôt que d’opter pour réveiller toute la maisonnée en fanfare, j’ai titubé vers ma chambre et je me suis écroulé sur le lit.

C’est l’odeur du chocolat chaud qui m’a réveillé, vers dix heures et demie du matin.

Quand je suis descendu dans la cuisine, Julie, encore en pyjama, était occupée à la mastication consciencieuse de son croissant. Elle n’a pas fait attention à moi.

Je me suis assis en face d’elle, vaguement inquiet. Et si rien n’avait vraiment changé tout compte fait ? Au bout d’un moment, j’ai tenté :

– Euh… Croutard n’est pas avec toi ?

Julie n’a pas daigné lever la tête, mais elle a fini par répondre, la bouche encore pleine et la mine renfrognée :

– Ch’t'ai déchà dit de pas appeler mon chien Croutard.

J’ai failli bondir par-dessus la table pour la serrer dans mes bras, la sœurette, mais entre nous, je ne pense pas qu’elle l’aurait bien pris. Je me suis donc contenté, soulagé, de trépigner silencieusement de bonheur (Julie ne s’est aperçue de rien heureusement), puis j’ai attrapé à mon tour un croissant et j’ai mordu dedans à belles dents.

J’ai senti une main passer dans mes cheveux et je me suis retourné : c’était ma mère qui venait d’entrer. Elle m’a regardé avec affection :

– Tu te décides à te lever enfin ! Tu as dormi comme un loir.

Je n’ai rien répondu, lui rendant simplement son sourire.

Elle a passé un doigt sur le bord de mon bol.

– Tu sais qu’il m’est arrivé une chose bizarre hier soir ? Figure-toi que je t’ai complètement oublié quand j’ai préparé la table du petit déjeuner. C’est la première fois que cela m’arrive...

J’ai hoché la tête en continuant de sourire, de l’air de celui qui ne comprend rien à ce qu’on lui raconte.

– … Et cette nuit j’ai réalisé mon oubli. Cela m’a réveillée dis donc. Je me suis sentie affreusement coupable, tu penses bien, et je suis descendue immédiatement pour rajouter ton bol.

J’ai haussé les épaules, faussement décontracté.

– Ce n’est pas grave maman.

Ma mère a repassé une main dans mes cheveux.

– Tout de même, pauvre chéri…

Puis elle a lorgné en direction de mes pieds et son expression attendrie s’est immédiatement volatilisée, cédant la place à sa mine des plus mauvais jours :

– Mais grand Dieu Valentin, qu’est ce que tu as fabriqué avec tes chaussons ?

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Tous droits réservés
(C) 2015-16 Jérémie Cassiopée

Illustration: Marzena Pereida Piwowar

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